L’appartement se vide. J’emballe les souvenirs de “nous”. Je dis au revoir à la vie que j’ai choisie de quitter. Non sans douleur, sans mélancolie. Avec tristesse et souffrance, avec des larmes. Parfois même avec des regrets. Les objets encartonnés, les cadres enlevés, les meubles partis. Seules les traces impalpables de notre passage, de notre partage restent. J’ai beau ne pas vouloir les entendre, les murs me racontent tout de nous. Cet appartement sait tout de nous. Où que j’aille nous sommes là.

La cuisine où tu n’avais pas ta place. Parce que oui tu ne faisais pas comme je voulais. Je pensais être le seul à savoir. Mon besoin de tout maîtriser, de ne pas accepter l’à-peu-près. Et dire que je pouvais te reprocher de ne rien faire… La cuisine où l’on pouvait chuchoter ou encore critiquer à voix basse nos invités. Ou s’embrasser à l’abri des regards indiscrets… Où tu m’as écrit sur l’ardoise des mots d’amours qui ne s’effacent plus.

Cette salle de bain où je pestais de voir le miroir embué par tes douches trop longues. Où tu t’occupais de mon corps avec une patience extrême. Nous étions nus, et ton regard je l’acceptais. Je ne me rendais sûrement pas compte à quel point il venait signifier que tu m’aimais.

Le salon où nous nous retrouvions le soir. Moments d’intimité, de complicité. Nos repas toujours tard. Ton sourire, ton visage endormi devant la télé. Les bisous que tu me donnais sur le canapé. Au-delà du quotidien, le tourbillon : grand faste des repas avec nos familles, convivialité et chaleur avec les plus intimes, délires des soirées à thèmes ou déguisées… Parce que tu étais là, cette ivresse, cette joie prenait toute sa valeur. Et aussi ce coeur de roses posé sur la table basse, offert 4 ans après nos premiers regards échangés. Et enfin, le silence, nos silences. Chacun replié sur soi oubliant de penser à nous, de nous penser.

Ce jardin où ma folie s’exprimait en trouvant un prénom à chaque plante (à titre indicatif : Yolande la lavande, Luigi le persil, Lucien le romarin…). Où nos soirées d’été s’éternisaient. Sur cette même terasse, nos discussions plus douloureuses. Et prostrés dans nos fauteuils, un point final…

Notre chambre. Nos corps. Que nous connaissions sur le bout des doigts, du bout de la langue. Nos corps qui criaient “je t’aime”. Tous ces instants où je me suis oublié, où nous ne faisions qu’un. Toutes ces nuits passées ensemble, s’endormir, se réveiller à tes côtés. Belle banalité devenue un cruel manque. Notre lit, c’est également les bouderies d’un soir, l’accaparement de couette, les discussions dans le noir, les fou-rires alcoolisés par le “punch”… Les dernières nuits comme des inconnus, et aussi d’intenses redécouvertes…

Dans nos murs je suis vide. Je ne suis rien sans toi. Je n’ai envie de rien sans toi. Je ne me vois pas sans toi. Je ne m’imagine pas faire l’amour sans toi. Je ne peux pas me voir en amour sans toi.

Pourtant sans toi j’ai choisi. Sans toi je vais devoir vivre.

11 novembre 2007,14:33