Il pleut. Depuis deux jours. L’herbe est mouillée. Sur la vitre coulent les gouttes. Chemin hasardeux, tortueux, douteux. Elles s’arrêtent, repartent, hésitent. Rencontrent une autre goutte, arrivent à l’extrémité de la fenêtre. Fin d’une vie. Triste vie éphémère.

Le vent s’engouffre dans la fenêtre que Clara vient d’ouvrir pour sortir. Elle a froid. Elle s’en moque. Elle allume une cigarette. Habituelle compagne de solitude. Première bouffée. Qui déjà s’éparpille, existence illusoire. La pluie s’intensifie. Sensation humide. L’eau ruisselle sur son visage. Pas de goût salé. Malgré cette multitude de gouttes, toujours seule. Encore. En réalité non. Pourtant sa solitude l’asphyxie, l’accable.

Envie d’hurler son malaise.Que tout le monde sache, entende. Mais la solitude ne s’entend pas. Alors elle reste là, silencieuse. Elle attend sa goutte d’eau. Triste vie interminable. La lassitude, la mélancolie elle n’en peut plus. Etats d’âmes omniprésents.

La peur des autres aussi. Le manque de confiance en elle. En eux. Certains l’ont démolie par un amour trop fort. Ou alors pas assez d’amour. D’autres l’ont reconstruites. Par leur présence, leur soutien, leur regard. Petit à petit. Pierre par pierre. telle une forteresse. Une forteresse de cartes qui malgré sa force extérieure s’écroule en larmes au moindre souffle.

Elle a froid. De plus en plus.

Seule à en mourir. Tous les jours un peu plus. Seule avec ses souvenirs. Gravés dans son coeur. Ancrés dans son corps. Et ce passé coulant dans ses veines. Envie de les trancher. Se vider de ce sang. Sale et impur.

Elle jette son mégot, rentre. La pluie tombe toujours. Vingt heures. Plus de force. Ses pas, un fardeau. Elle se couche. Dans ce lit, trop grand.

Toujours ce bruit. Celui des gouttes sur la fenêtre.

Clara se meurt, Clara s’endort. Comme d’habitude, seule.

31 janvier 2009,11:24

L’appartement se vide. J’emballe les souvenirs de “nous”. Je dis au revoir à la vie que j’ai choisie de quitter. Non sans douleur, sans mélancolie. Avec tristesse et souffrance, avec des larmes. Parfois même avec des regrets. Les objets encartonnés, les cadres enlevés, les meubles partis. Seules les traces impalpables de notre passage, de notre partage restent. J’ai beau ne pas vouloir les entendre, les murs me racontent tout de nous. Cet appartement sait tout de nous. Où que j’aille nous sommes là.

La cuisine où tu n’avais pas ta place. Parce que oui tu ne faisais pas comme je voulais. Je pensais être le seul à savoir. Mon besoin de tout maîtriser, de ne pas accepter l’à-peu-près. Et dire que je pouvais te reprocher de ne rien faire… La cuisine où l’on pouvait chuchoter ou encore critiquer à voix basse nos invités. Ou s’embrasser à l’abri des regards indiscrets… Où tu m’as écrit sur l’ardoise des mots d’amours qui ne s’effacent plus.

Cette salle de bain où je pestais de voir le miroir embué par tes douches trop longues. Où tu t’occupais de mon corps avec une patience extrême. Nous étions nus, et ton regard je l’acceptais. Je ne me rendais sûrement pas compte à quel point il venait signifier que tu m’aimais.

Le salon où nous nous retrouvions le soir. Moments d’intimité, de complicité. Nos repas toujours tard. Ton sourire, ton visage endormi devant la télé. Les bisous que tu me donnais sur le canapé. Au-delà du quotidien, le tourbillon : grand faste des repas avec nos familles, convivialité et chaleur avec les plus intimes, délires des soirées à thèmes ou déguisées… Parce que tu étais là, cette ivresse, cette joie prenait toute sa valeur. Et aussi ce coeur de roses posé sur la table basse, offert 4 ans après nos premiers regards échangés. Et enfin, le silence, nos silences. Chacun replié sur soi oubliant de penser à nous, de nous penser.

Ce jardin où ma folie s’exprimait en trouvant un prénom à chaque plante (à titre indicatif : Yolande la lavande, Luigi le persil, Lucien le romarin…). Où nos soirées d’été s’éternisaient. Sur cette même terasse, nos discussions plus douloureuses. Et prostrés dans nos fauteuils, un point final…

Notre chambre. Nos corps. Que nous connaissions sur le bout des doigts, du bout de la langue. Nos corps qui criaient “je t’aime”. Tous ces instants où je me suis oublié, où nous ne faisions qu’un. Toutes ces nuits passées ensemble, s’endormir, se réveiller à tes côtés. Belle banalité devenue un cruel manque. Notre lit, c’est également les bouderies d’un soir, l’accaparement de couette, les discussions dans le noir, les fou-rires alcoolisés par le “punch”… Les dernières nuits comme des inconnus, et aussi d’intenses redécouvertes…

Dans nos murs je suis vide. Je ne suis rien sans toi. Je n’ai envie de rien sans toi. Je ne me vois pas sans toi. Je ne m’imagine pas faire l’amour sans toi. Je ne peux pas me voir en amour sans toi.

Pourtant sans toi j’ai choisi. Sans toi je vais devoir vivre.

11 novembre 2007,14:33